Samedi dernier, le Telica, volcan situé à 100 km au nord-ouest de Managua, la capitale du Nicaragua, est entré dans une phase d'activité relativement importante, émettant des panaches de gaz et de cendres. Afin de mesurer l'ampleur et la signification du phénomène, François et son ami de longue date, Alain, souhaitent se rendre sur place pour observer l'état du volcan. Nous passons prendre Alain chez lui puis faisons route à bord du Suzuki Samuraï de François en direction de Léon, souhaitant au passage que toutes les pièces de l'antique véhicule resteront en place aujourd'hui. Pour nous rendre à Léon, deuxième ville du pays proche du Telica, deux routes s'offrent à nous : la carretera nueva Léon et la carretera vieja Léon. La vieille route étant plus jeune que le neuve, car refaite au cours des derniers mois et pas encore inaugurée, nous décidons de l'emprunter.
Nous enchaînons les virages et gravissons la côté de plusieurs kilomètres située à la sortie de Managua. Puis la route change peu à peu et nous nous retrouvons bientôt sur une grande ligne droite et claire de béton filant à travers des étendues de terres arides longeant de loin la côte du Pacifique sans rien d'autre dans le paysage que des pierres et des bosquets secs et à l'allure torturée. Alain nous conte le pourquoi d'une telle route au milieu de nulle part et s'étirant de manière si rectiligne à perte de vue. A l'origine, la voie n'était autre qu'un chemin d'accès pour l'entretien d'un ancien pipeline.
En chemin, nous nous arrêtons sur les rive du Rio Tamarindo pour observer une formation sur laquelle François s'interroge.
Il s'agit d'une formation d'ignimbrite, un dépôt de débris et cendres issus d'une éruption violente, de type nuées ardentes, et qui se sont agglomérés et soudés entre eux. Celle-ci fait partie d'une formation plus large, la formation Tamarindo (Wilson, 1941), formée Miocène-Pliocène.
Après cette petite pause, nous reprenons notre chemin en direction de Léon et du volcan Telica. Sur la route, nous nous arrêtons à plusieurs reprises pour qu'Alain interroge les habitants. Il recueille les témoignages afin de tenter d'évaluer l'ampleur des panaches de cendres émis et le volume approximatif de matériel évacué par le volcan. Puis nous empruntons le chemin escarpé nous menant sur les flancs du volcans, garons la voiture à quelques centaines de mètres en-dessous du sommet et entamons notre marche.
En chemin, nous rencontrons un habitant parti chercher de l'eau à cheval. Nous discutons un moment avec lui du volcan et de son quotidien puis nous rendons à une maison située un peu plus loin et où nous avons prévu de faire notre pause déjeuner.
Nous discutons avec l'homme habitant là tout en mangeant notre gallo pinto et nos œufs brouillés. Il nous parle des activités du volcan au cours de la semaine et nous explique que des blocs incandescents ont été projetés par le volcan mais qu'il n'y a pas eu d'émission de lave, ce qui confirme les dires d'autres témoins interrogés. Au cours de la discussion, soudain tout s'agite. Le volcan entre à nouveau en activité et émet un grand panache de fumée depuis son cratère. Nous nous précipitons à l'arrière de la maison pour observer le spectacle et regrettons de nous être arrêtés manger sans quoi nous serions aux premières loges pour y assister.
Le panache semble impressionnant mais nous sommes surpris par l'absence de bruit et de vibrations du sol (le son sur la vidéo, comme dans celles qui suivent, n'est que celui du vent). Tout est calme si ce n'est ce grand nuage de cendres qui s'élève dans le ciel.
Nous observons donc le phénomène de loin puis reprenons notre route en direction du cratère et dans la quête des blocs incandescents tombés la semaine passée. Après une petit heure de marche, nous parvenons sur d'anciennes coulées au pieds du cratère. Là, Alain analyse le paysage et nous dirige vers différentes roches pour vérifier s'il peut s'agir des fameux rocs : aspect de la roche, traces d'impact récent, herbe brûlée par le contact d'une pierre... Nous sommes sur le qui-vive.
En chemin, nous assistons à un autre dégazage, plus modeste celui-ci. Nous poursuivons notre recherche et finissons par trouver quelques uns des fameux blocs, certains d'une taille honorable bien que ridicules quand on les compare aux bombes volcaniques témoignant de la puissance de l'éruption de 1450.
Alain assis face à une pierre ayant été expulsée il y a quelques jours |
On peut observer ici des plantes carbonisées au contact de la pierre ce qui témoigne de la chute récente |
Sur ce bloc, on peut observer un fracture en croûte de pain qui semble indiquer un possible début de phréato-magmatisme. Toutefois les indices sont faibles et l'ensemble de nos observations ne semble pas indiquer que du magma soit mis en jeu dans les phénomènes de cette semaine.
Certains blocs m'impressionnent tout de même par leur taille. Celui des photos qui suivent notamment, d'autant plus que l'on a pu observer les marques d'impact qu'il a laissé au cours de ses rebonds avant de s'immobiliser.
Fragments du blocs laissés dans les trous d'impact
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Après ces quelques observations, nous décidons de nous rendre au bord même du cratère. Je suis à la fois excité et un peu inquiet à l'idée d'un nouveau dégazage. Je m'imagine le spectacle superbe tout en redoutant l'éventuel expulsion de blocs de la taille de ceux que l'on a vu. Toutefois je me conforte dans l'idée que le volcan n'est pas dans une phase d'éruption violente mais plutôt de relâchement de contraintes progressives et que le plus gros du travail a déjà été fait.
Nous arrivons au cratère et observons le fond. Un trou énorme s'y est formé, comme on nous l'avait décrit. Celui-ci, d'un diamètre que nous estimons compris entre 15 et 20m, n'était pas là il y a encore 10 jours.
Nous nous installons alors dans l'espoir de quelque événement.
Rien ne se passe, mis à part quelques éboulis sur les bord et à l'intérieur de l'abîme au fond du cratère. Cela semble comme le tunnel de quelque énorme ver cosmique (j'attends de voir le Falcon Milenium sortir mais rien...). Le paysage est vide, immense, mort... rien ne se passe et les heures passent. Alain souhaite rester jusqu'à la nuit, pour observer si des lueurs rouges subsistent, témoignant d'une chaleur importante des pierres dans le cratère (et non d'un supposé lac de lave comme le vendent frauduleusement plusieurs Tour Opérateurs de la ville de Léon tout proche).
La vue s'assombrit avec le soleil qui s'enfuit et toujours rien. L'abîme semble devenir de plus en plus profond avec l'obscurité. Nous estimons qu'il doit s'enfoncer à plusieurs dizaines de mètres au moins, peut-être jusqu'à 200m de profondeur.
Nous commençons à désespérer de voir quelque activité quand soudain :
Le spectacle se suffit à lui-même, il est impressionnant, saisissant. Nous voilà repus de notre soif de volcan pour la journée à tel point que François est maintenant impatient de rentrer. Alain nous fait toutefois attendre que les dernières lueurs du jours disparaissent pour vérifier s'il demeure ou non des rougeoiements dans le cratère, mais nous ne voyons rien.
Nous repartons donc à la lueur de nos lampes, un peu hagard pour ma part : content d'avoir assisté à ce spectacle mais également avec l'impression triste d'avoir observé les derniers souffles d'un volcan. Le Telica semble perdre de sa force et nous craignons que son activité ne diminue pour les prochaines années. Les pluies à venir, la saison des moussons arrivant, nous en diront plus sur ce que devient ce volcan dont la grande majorité de l'activité est d'origine phréatique.